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Iran : La vague d'exécutions se poursuit sans relâche

Des prisonniers politiques risquent d'être exécutés de manière imminente

Les ombres d'un policier iranien et d'un nœud coulant étaient visibles sur le sol peu avant une pendaison à Pakdasht, au sud de Téhéran, en mars 2005.  © 2005 Reuters

(Beyrouth, le 27 mai 2025) – Les autorités iraniennes sont en train de perpétrer une effroyable vague d'exécutions, avec au moins 113 exécutions signalées entre le 1er mai et le 25 mai, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. La communauté internationale devrait d’urgence faire pression sur les autorités iraniennes pour qu'elles mettent fin à toutes les exécutions, y compris dans les cas de plusieurs prisonniers politiques qui sont exposés au risque imminent de ce châtiment.

Selon Iran Human Rights, une organisation non gouvernementale basée à Oslo, les autorités iraniennes ont exécuté 478 personnes entre le 1er janvier et le 27 mai 2025. Cette organisation a signalé une hausse de 75 % du nombre d’exécutions au cours des quatre premiers mois de 2025 par rapport à la même période en 2024. Si cette tendance meurtrière se poursuit, plus de 1 000 personnes, dont des membres de minorités ethniques, des dissidents politiques et des personnes accusées d'infractions liées aux drogues, seront exécutées avant la fin de l'année. Les chiffres publiés montrent également une escalade du recours à la peine de mort contre les femmes et un impact disproportionné sur les communautés marginalisées, notamment les minorités ethniques opprimées. Parmi les 110 personnes exécutées en avril figuraient 36 membres de la communauté baloutche, six prisonniers kurdes, quatre Afghans, un membre de la minorité arabe ahwazie et un Turkmène, ainsi que trois femmes.

« Les autorités iraniennes ont exécuté au moins trois personnes par jour en moyenne au cours des cinq premiers mois de 2025 ; les dissidents et les membres de communautés marginalisées ont été les principales victimes de la répression exercée par le gouvernement et de sa politique antidrogue brutale », a déclaré Federico Borello, directeur exécutif par intérim de Human Rights Watch. « Cette vague d’exécutions ne montre aucun signe de ralentissement, et l’ampleur de la crise devrait inciter la communauté internationale à exhorter d’urgence le gouvernement iranien à cesser immédiatement toutes les exécutions et à instaurer un moratoire sur la peine de mort. »

Les autorités iraniennes instrumentalisent la peine de mort pour semer la peur au sein de la population et étouffer l'opposition, ciblant des membres des minorités ethniques persécutées, des dissidents politiques et des femmes. Plusieurs personnes accusées d'atteintes à la sécurité nationale risquent d'être exécutées prochainement. Parmi elles figurent Pedram Madani, 40 ans, Mehdi Hassani, 48 ans, et Behrouz Ehsani Eslamlou, 69 ans ; ces prisonniers politiques condamnés à mort sont actuellement détenus à la prison de Ghezel Hesar, dans la province d'Alborz en Iran.

Human Rights Watch a reçu des informations selon lesquelles Pedram Madani, condamné à mort après avoir été reconnu coupable de « corruption sur Terre », un chef d'accusation vaguement formulé, a été transféré de la prison d'Evin à Téhéran à la prison de Ghezel Hasar le 25 mai, en prévision de son exécution qui pourrait avoir lieu dès le 28 mai. Les autorités ont arrêté Madani en 2019 pour espionnage présumé au profit d'Israël, et un tribunal révolutionnaire l'a ensuite condamné à mort. Sa condamnation a été annulée à trois reprises par la Cour suprême, selon Iran Human Rights, mais il a été condamné à mort pour la quatrième fois lors d'un nouveau procès devant une juridiction inférieure. Sa famille a été convoquée pour une dernière visite, ce qui signifie qu'il risque d’être exécuté dans les jours à venir.

Human Rights Watch a aussi obtenu des informations selon lesquelles, en mai 2025, la Cour suprême iranienne a rejeté pour la troisième fois les demandes de révision judiciaire des affaires concernant Mehdi Hassani et Behrouz Ehsani Eslamlou, ce qui les expose au risque d’exécution à tout moment. Ces hommes sont dans le couloir de la mort depuis septembre 2024, lorsque la 26ème chambre du Tribunal révolutionnaire de Téhéran les a condamnés à mort sur la base de chefs d'accusation formulés en termes vagues et définis de manière large, notamment « rébellion armée », « inimitié contre Dieu » et « corruption sur Terre » ; ils étaient accusés d’appartenance à l'Organisation des Moudjahidine du peuple d'Iran (OMPI, ou Mujaheddin-e-Khalq, MEK), un groupe d'opposition interdit en Iran.

Les procès devant les tribunaux révolutionnaires iraniens bafouent systématiquement les garanties d'un procès équitable et d'une procédure régulière, a déclaré Human Rights Watch. Une source bien informée a déclaré à Human Rights Watch que Mehdi Hassani avait été détenu à l'isolement pendant six mois après son arrestation en septembre 2022 et avait été soumis à des actes de torture et à d'autres mauvais traitements. Mehdi Hassani et Behrouz Ehsani Eslamlou ont été condamnés à l'issue d'un procès sommaire qui n'a duré que quelques minutes.

Au moins deux autres hommes ont été condamnés à mort en mai pour des motifs politiques. Le 10 mai, l'Association pour la défense des prisonniers politiques azerbaïdjanais en Iran (Association for the Defense of Azerbaijani Political Prisoners in Iran, ADAPP) a signalé que la troisième chambre du Tribunal révolutionnaire de Tabriz, dans la province d'Azerbaïdjan-Oriental, avait condamné à mort Ehsan Faridi, un étudiant âgé de 22 ans à l'université de Tabriz, sur la base de l'accusation vaguement formulée de « corruption sur Terre ». Ce verdict est désormais en attente d'examen par la Cour suprême. Les autorités ont arrêté Faridi le 18 juin 2024 et l'ont transféré à la prison centrale de Tabriz. Faridi avait précédemment été détenu pendant un mois en mars 2024 et condamné à six mois de prison, pour « propagande contre l'État ».

L'Agence de presse des militants des droits humains (Human Rights Activists News Agency HRANA) a rapporté que le 1er mai, la première chambre du Tribunal révolutionnaire de Rasht a condamné à mort Peyman Farah Avar, un poète détenu en tant que prisonnier politique à la prison de Lakan à Rasht, dans la province de Gilan ; il était accusé de « rébellion armée » et d'« inimitié contre Dieu », un vague chef d’accusation. Une source proche de sa famille a déclaré à HRANA que ces accusations découlaient de sa poésie et de son activisme en faveur de la justice sociale et des droits civiques. Le tribunal l'a condamné à l'issue d'un procès qui n'a pas respecté les garanties d'une procédure régulière et d'un procès équitable. Le procès de Peyman Farah Avar s'est tenue à huis clos, sans que son avocat puisse y assister.

Les craintes pour le sort dissidents politiques menacés d'exécution se sont accrues depuis l'exécution, le 21 avril, de Hamid Hosseinnejad Haydaranlu, un prisonnier kurde âgé de 40 ans ; il avait été reconnu coupable de « rébellion armée » liée à son appartenance présumée au Parti des travailleurs du Kurdistan, et de participation à une opération qui aurait entraîné la mort de huit membres des forces de sécurité iraniennes. Selon l’ONG Kurdistan Human Rights Network, les autorités ont torturé Hamid Hosseinnejad Haydaranlu pour lui extorquer des aveux et ont rejeté les preuves à décharge prouvant qu'il ne se trouvait pas en Iran au moment des faits présumés.

Le mépris des autorités iraniennes pour le droit à la vie affecte de manière disproportionnée les minorités ethniques opprimées et les communautés défavorisées. Selon Iran Human Rights, plus de la moitié des personnes exécutées en avril étaient accusées d'infractions liées à la drogue ; plus de 30 % étaient membres des communautés baloutche, kurde, turkmène et arabe. La politique iranienne de lutte antidrogue, avec ses conséquences mortelles, aggrave la pauvreté et l'injustice auxquelles sont confrontées les communautés les plus marginalisées, dont beaucoup sont issues de minorités ethniques ou sont des ressortissants afghans sans papiers.

En vertu du droit international des droits humains, la peine de mort ne devrait être prononcée que pour les « crimes les plus graves » comme « homicide volontaire », et seulement dans des circonstances exceptionnelles. La peine capitale « doit être supprimée pour […] les crimes liés à la drogue » et les infractions de nature politique. Toute privation de la vie, y compris par le biais d'exécutions judiciaires dans un pays mais bafouant le droit international, est intrinsèquement arbitraire et illégale. Human Rights Watch s'oppose à la peine de mort pour toutes les infractions et en toutes circonstances, et appelle à son abolition dans le monde entier.

En octobre 2021, évoquant les failles structurelles de la législation iranienne et les violations systématiques des droits humains dans les affaires de peine de mort, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Iran avait signalé que « la plupart, sinon toutes les exécutions dans l’État constituent une privation arbitraire de la vie ».

Depuis janvier 2024, de nombreuses personnes condamnées à mort en Iran entament tous les mardis une grève de la faim d’un jour, dans le cadre de la campagne « Mardis du Non aux exécutions » (« No to Execution Tuesdays ») pour protester contre la vague d'exécutions et plaider publiquement en faveur d'une intervention internationale contre ce châtiment. De nombreuses personnes actives dans la défense des droits humains, dont la lauréate du prix Nobel de la paix Narges Mohammadi, ont soutenu cette campagne, parfois en menant elles-mêmes des grèves de la faim en guise de solidarité.

« Les condamnés à mort iraniens entament régulièrement une grève de la faim pour sauver leur vie et celle de leurs codétenus », a observé Federico Borello. « La communauté internationale devrait défendre leur dignité humaine et faire preuve de solidarité avec leur résistance courageuse, face à l’assaut acharné des autorités iraniennes contre le droit à la vie. »

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