La semaine dernière, les autorités de la République démocratique du Congo ont imposé une interdiction de toute couverture médiatique de l'ancien président Joseph Kabila ou de son parti durant 90 jours, en réponse à ses récentes déclarations et à sa visite dans l'est du pays, en proie à des troubles, après son retour en RD Congo suite à deux années d’exil.
Joseph Kabila a dirigé la RD Congo pendant 18 ans après avoir succédé à son père, Laurent-Désiré Kabila, assassiné en 2001. La présidence de Joseph Kabila a permis de réaliser des progrès importants, mais a aussi été entachée de graves violations des droits humains. Alors qu'il s'accrochait au pouvoir au-delà de la limite constitutionnelle de deux mandats, il avait de plus en plus recours à la violence et à la répression.
Avant de revenir en RD Congo fin mai, l’ancien président a diffusé sur YouTube un discours dans lequel critiquait l'actuel président Félix Tshisekedi et proposait des plans pour la paix dans l'est du pays. Il mène depuis des consultations à Goma, ville qui est contrôlée par le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda. Après avoir finalement quitté le pouvoir en 2019, Joseph Kabila s’était vu attribuer le titre de « sénateur à vie », une disposition constitutionnelle lui accordant de immunités généralisées. Mais le mois dernier, le Sénat l'a déchu de son immunité parlementaire sur la base d’une accusation de trahison, ouvrant la voie à des poursuites judiciaires pour avoir prétendument soutenu les rebelles.
La RD Congo est confrontée à sa plus grave crise depuis des années. Le M23 occupe deux capitales provinciales de l'est du pays, Goma et Bukavu, et a commis de nombreux crimes de guerre. En réponse, le gouvernement congolais a fourni un soutien financier et militaire à une coalition de milices violentes, risquant de se rendre complice de leurs crimes de guerre.
Mais ce dont la RD Congo a désespérément besoin en cette période difficile, c'est d'un plus grand respect des droits humains, et non l'inverse.
Depuis l'escalade du conflit fin 2024, le gouvernement a menacé de prendre des mesures contre les journalistes qui couvrent les hostilités. Les autorités ont retiré l’accréditation de journalistes internationaux pour avoir rendu compte des « prétendues avancées des terroristes » et ont prévenu que les journalistes qui partagent des informations sur le M23 et les forces rwandaises pourraient faire face à de graves conséquences juridiques, y compris la peine de mort.
Les autorités congolaises toléraient autrefois les critiques publiques, même si elles le faisaient sans joie. Aujourd'hui, les restrictions imposées aux médias se durcissent. Les journalistes ont le droit à la liberté d'expression pour couvrir le retour de Joseph Kabila, et le peuple congolais a certainement le droit de débattre de son rôle dans le pays. Les autorités devraient reconnaître qu’interdire la couverture médiatique de Joseph Kabila aura certainement l'effet inverse de celui escompté : après tout, une façon d'attirer l'attention des gens sur l’ancien président est de leur interdire d'entendre parler de lui.